Anna Garcin-Mayade, Anselm Kiefer, Christian Boltanski : Le travail mémoriel de la Shoah

Le 27 janvier 1945 est le jour de la libération, ou plutôt de l’ouverture, du camp d’Auschwitz-Birkenau situé en Pologne. Le 27 janvier a donc été choisi par l’ONU comme Journée internationale de commémoration des victimes de l’Holocauste pour faire en sorte de garder en mémoire des victimes du génocide perpétué par les Nazis et leurs alliés¹. On estime entre 5 à 6 millions de morts en majorité juifs et tsiganes. Si dans nos mémoires, cet épisode tragique et horrible (et les mots ne sont pas assez forts) de l’Histoire Mondiale s’éloigne dans le temps, des artistes continuent de faire ce travail mémoriel en interrogeant l’Histoire et alertent sur cette dernière de peur qu’elle ne se répète, même si dans le monde, les massacres, guerres et génocides n’ont jamais cessé depuis 1945…

Lors de mes vacances estivales d’août 2024, j’ai visité le musée Edmond Michelet à Brive-La-Gaillard². Ses collections sont centrées sur la Seconde Guerre mondiale, la Résistance et la Déportation et au deuxième étage se tenait une exposition de Anna Garcin-Mayade (1897-1981). Cette artiste femme peintre et résistante a été déportée au camp de Romainville puis au camp de détention pour femmes de Ravensbruck. Son travail rend compte du désespoir du quotidien et de l’horreur dans les camps. Comment a t-elle pu trouver la force et l’énergie pour créer ? Comment a t-elle pu se procurer du matériel pour dessiner et réussir à ce que ses dessins ne soient pas détruits ? Si vous avez des réponses, n’hésitez pas à m’en faire part en commentaires ! Je vous mets quelques photos des œuvres de l’exposition qui n’ont pas besoin, elles, de commentaires…

Dans un second temps, je tiens à évoquer Christian Boltanski, artiste plasticien français décédé en 2021. Son travail est à la fois artistique mais aussi personnel, comme on peut le constater dans cette déclaration faite dans le magazine Télérama : « Pourquoi, moi, je suis encore vivant ? Et pourquoi mon voisin est-il mort ? Il n’y a aucune règle à tout ça, et cette chose m’obsède. Ma vie et mon oeuvre ont été très marqués par la Shoah – à ma naissance, en 1944, mes parents ont volontairement effacé leurs traces, et nous avons vécu dans un appartement parisien dissimulés sous le plancher de la maison -, et je crois que tous les survivants de la Shoah n’ont cessé de se poser la question : pourquoi j’ai survécu ?« ³. Autodidacte, ses installations plastiques faites à partir d’objets, de matériaux divers, de photos, d’images et/ou de vidéos sont traversées par la mémoire, l’existence et la disparation. Toute son œuvre est une invitation à la contemplation et méditation existentielles sur notre passé, notre présent et notre futur, sur les fantômes du passé et ceux à venir.

Dans un troisième et dernier temps, je tenais à parler de l’œuvre de l’artiste allemand Anselm Kiefer né en 1945. Son travail plastique est hanté par la Shoah et là aussi son travail artistique rejoint sa vie personnelle, de façon plus perturbante, puisque son père était Nazi, officier dans la Wehrmacht. Anselm Kiefer s’interroge, interroge et fait face à cet héritage paternel à travers des sculptures, des tableaux monumentaux, des constructions et autres projets colossaux. Depuis 1990, il intègre également à son travail les écrits du poète et auteur Paul Ceylan. Ces derniers sont marqués par la mort de ses parents au camp d’internement Nazi en Transnistrie dont lui a réussi à échapper… Une vie mouvementée à laquelle il mettra un terme en 1970 en se jetant dans la Seine. Dans le film de Win Wenders, le bruit du temps, Anselm Kiffer lit d’ailleurs plusieurs passages de Paul Ceylan et je vous invite à voir ce film documentaire qui vous permettra de plonger dans l’œuvre, son processus de création et les pensées de ce grand artiste contemporain…

Et pour terminer sur le sujet du travail mémoriel de la Shoah, j’ai envie de vous parler 7eme art avec le film « La zone d’intérêt » sorti en 2023. Ce film est à la fois visuel et sonore et n’a pas besoin de montrer l’horreur et l’atrocité pour comprendre et surtout quand on sait… Sachez que la zone d’intérêt est appelée ainsi par les nazis, pour désigner la zone de 40 km2 qui entourait le camp d’Auschwitz, en Pologne. Et la famille dans le film qui vit près du camp de concentration a vraiment existé…

1. https://www.memorialdelashoah.org/ ↩︎
2. https://museemichelet.brive.fr ↩︎
3. https://www.telerama.fr/scenes/la-mort-l-absence-et-la-destinee-au-grand-palais,51796.php ↩︎
4. https://www.francetvinfo.fr/culture/arts-expos/le-grand-artiste-plasticien-christian-boltanski-hante-par-la-memoire-et-la-mort-vient-de-disparaitre-a-l-age-de-76-ans_4701839.html ↩︎